La peau de chagrin, premier grand roman. L’argument et philosophique: vouloir et pouvoir brûlent la vie. Etude de mœurs, étude philosophique et étude analytique. Roman qui se recommande de la tradition rabelaisienne, il tient sa plus grande originalité et beauté du foisonnement des images, du passage à l’allégorie et au mythe.
Continue avec Le Médecin de campagne.
Projette Les Etudes sociales, dont Les Etudes de mœurs sont la plus basse assise. La seconde assise sont Les Etudes philosophiques. La dernière sont Les Etudes analytiques.
Etudes de mœurs - Scènes de la vie de province, Eugénie Grandet.
Les grandes vedettes du roman balzacien:
- Rastignac, l’ambitieux;
- Bianchon, l’étudiant en médecine qui deviendra une sommité médicale;
- le dandy Henri de Marsay, futur ministre;
- la marquise d’Espard, grande mondaine.
Les scènes de la vie privée sont essentiellement axées sur la question du mariage: le choix du conjoint, les unions disproportionnées ou mal assorties, les dégoûts et les haines qui ne résultent, les embûches du contrat, la manière de conduire son ménage, l’équilibre à maintenir entre la vie privée et la vie sociale, les douleurs de l’abandon, l’incompatibilité d’humeur, les drames et les comédies de l’adultère, séparation et réconciliation.
Balzac a plongé dans les secrets et les drames de la vie privée le regard à la fois du médecin, de l’homme de loi et du prêtre.
Balzac a conçu la province comme le lieu de l’immobilisme, mais aussi comme le creuset d’où sortent les « sommités » parisiennes, et le lieu où viennent échouer les vaincus sans grandeur.
Le Paris de La Comédie humaine est conçu comme le lieu fantastique où tout peut arriver et dont les drames ne sauraient être compris en dehors des barrières, l’enfer dantesque des luttes pour l’or et le plaisir. Paris est une société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée.
La Comédie humaine comporte 85 œuvres, sur les 115 prévues. Y évoluent plus de 4000 personnages, toute la société française de la Restauration et de la Monarchie de Juillet. Le romancier est le secrétaire de la société de son temps.
Chaque être est replacé dans son décor, sa maison, avec ses traits, ses gestes, sa voix, la langue qu’il parle, le vêtement qu’il porte.
Cette peinture – milieux, caractères, situations – résulte d’une observation énorme. Balzac a dit: « On n’invente jamais rien. » Mais sur tous les éléments fournis par le réel, vu ou narré, le romancier opère un immense travail. Il crée des types, des caractères.
La Comédie umaine n’est pas une reproduction de la société existante, elle en est une création. Balzac a créé un monde, son monde. Il reprend certains de ses personnages. Ceux-ci sont connus aux lecteurs grâce à des « flashes » successifs, exactement comme dans la vie réelle, où des récits, des confidences, des révélations, des articles nécrologiques composent tardivement le curriculum vitae de gens dont nous avons cru être proches.
Balzac est un romancier « omniscient ».
Chaque roman est ouvert à une double compréhension, Balzac étant convaincu que la vérité ne se trouve que dans l’équilibre maintenu entre des opinions opposées. D’ailleurs, son système philosophique concilie matérialisme et spiritualisme. Balzac croit à l’existence d’une substance primordiale, sorte de fluide magnétique, électrique, qu’il nomme « Pensée » ou « Volonté ». Pour lui, l’homme possède, en naissant, une somme d’énergie, un « capital de forces humaines » donné, qu’il pourra dépenser en pensée ou en passion, en efforts physiques ou en orgies, en roulades ou en entrechats. Il a été inspiré par Swedenborg et le philosophe mystique Louis-Claude de Saint-Martin.
La structure de l’œuvre balzacienne est tripartite:
1) Etudes philosophiques révèlent « l’homme extérieur » (les effets);
2) Etudes de mœurs révèlent les « individus typisés »;
3) Etudes analytiques révèlent les principes qui règlent l’activité de l’individu en société.
Balzac a écrit: « A mesure que l’homme se civilise, il se suicide. »
En dépit de sa division tripartite, l’œuvre a un caractère profondément synthétique, unitaire.
Balzac compare l’Animalité et l’Humanité. Les espèces sociales sont des espèces zoologiques.
L’idée qu’il n’y a pas plus d’égalité dans la société que dans la nature, se fonde sur une indispensable hiérarchie sociale. Balzac préconise un pouvoir fort, condamne l’individualisme moderne, exalte le catholicisme et le légitimisme.
On a longtemps dit de Balzac qu’il écrit mal, qu’il écrit de façon linéaire.
Le roman balzacien prend toutes les formes:
- roman par lettres (Le Lys dans la valée, Mémoires de deux jeunes mariées);
- roman-gigogne, commençant par la fin selon une technique vulgarisée par le cinéma (La Duchesse de Langeais);
- roman pictural (La Fille aux yeux d’or);
- roman musical (Gambara);
- roman policier (Une ténébreuse affaire).
La création balzacienne frappe par son caractère démiurgique. L’ensemble donne l’impression d’une somme. Elle constitue une sorte de miroir du monde.
A partir de Balzac, tout ce qui s’écrira en fait d’œuvre romanesque le sera dans sa foulée, parfois pour rivaliser avec son gigantesque projet.
[source Rose Fortassier, Le roman français au XIXe siècle]
“Le père Goriot” 1834
Intérêt de l’action
C’est à la fois un roman social, un roman psychologique, un roman policier. L’intrigue est complexe : après la longue mise en train (qui occupe le tiers de l’ensemble), la crise est rapide, se déroulant à travers une série de dialogues et de scènes puissantes. Elle suit trois pistes différentes :
- l’éducation de Rastignac qui reçoit trois leçons (celle de Mme de Beauséant, celle de Goriot, celle de Vautrin) ;
- le drame du père Goriot (qui est fait sur le modèle de celui du roi Lear de Shakespeare ;
- le roman policier de Vautrin, le forçat évadé qui est opposé à la société (sur le modèle de Vidocq).
Deux mouvements s’opposent : tandis que Rastignac connaît une ascension, le père Goriot subit une véritable déchéance.
Dans l’édition originale, le roman ne comportait pas de découpage, le texte se déroulant d’une seule coulée.
La chronologie est linéaire : l’action se déroule en moins de trois mois, mais il y a des retours en arrière, surtout au début.
Le point de vue est objectif et balzac se voudrait neutre dans sa narration comme dans ses descriptions. Mais il laisse parler ses sentiments et intervient dans le récit, en particulier pour nous faire part du dégoût que lui inspire la montée du pouvoir de l'argent ou l’état d’esprit que cela engendre : « Qui décidera de ce qui est le plus horrible à voir, ou des cœurs desséchés, ou des crânes vides? ».
La focalisation se fait tantôt sur Rastignac, tantôt sur Goriot, tantôt sur Vautrin.
Intérêt littéraire
Balzac manifesta dans le roman sa puissance verbale, mais sans éviter des lourdeurs (en particulier dans des développements didactiques).
Il fit preuve d’une grande précision descriptive, non sans effets de style.
Les dialogues sont réalistes car Balzac avait beaucoupo de curiosité pour la langue parlée. Ainsi, il restitua l’argot des forçats, rendit des particularités de prononciation (la prononciation pseudo-tudesque de Nucingen).
Ses effusions de lyrisme sont parfois un peu exagérées et même ridicules à nos yeux. Les comparaisons et les métaphores sont nombreuses, parfois singulières.
Intérêt documentaire
Balzac, qui affirma dans la préface : « Ce drame n'est ni une fiction, ni un roman : all is true. », entendait donner un tableau réaliste, selon une vision objective, quasi scientifique. Étant convaincu de l’influence du milieu sur les individus, il décrivit avec précision la pension Vauquer (véritable microcosme de la société par son étagement de classes sociales et de différentes générations), différents quartiers de Paris. Il applique la loi de la conformité des espèces avec les milieux où elles évoluent. C’est ainsi qu’au sujet de Mme Vauquer il avait écrit : « Toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. »
Les différentes classes : le peuple, la petite bourgeoisie, l’aristocratie, ont été bouleversées dans un passé récent, la Révolution ayant permis justement à Goriot de faire sa fortune, de marier ses filles à des aristocrates qui ont maintenant repris le pouvoir et le méprisent non sans raisons.
La volonté de réalisme de Balzac lui fait montrer le rôle essentiel de l’argent, qui est souligné surtout dans l'évolution financière du père Goriot, riche commerçant qui, la première année où il se trouve à la pension, vit à l’aise avec 1200 francs de pension et 8000 de rente, une solide condition physique, une magnifique garde-robe ; qui, dès la deuxième année, se voit obligé de prendre une pension à 900 francs et de réduire son train de vie ; qui, la troisième année, prend la pension la moins chère (45 francs), ne jouissant plus d’aucun luxe et sa condition physique s’étant dégradée sérieusement ; qui, la quatrième année, voit sa dégradation physique s'accentuer tandis que ses filles le rendent fou et que, pour leur faire plaisir et leur éviter le moindre effort, il se ruine progressivement afin de leur fournir un maximum d'argent qu'elles jettent par les fenêtres.
Mais la volonté de réalisme de Balzac ne l’empêche pas de se montrer nostalgique de la société qui s'en va avec la montée du pouvoir de l'argent, et cela se ressent à travers ses descriptions.
Intérêt psychologique
Dans cette étude de caractères encadrée par une étude de moeurs, Balzac prétend s'appuyer sur des théories scientifiques pour construire ses personnages. Rastignac et Vautrin sont l'un et l'autre représentatifs de la manière d'évoluer dans le monde lorsque les astres n'ont pas été favorables dès la naissance.
Vautrin, apparemment un farceur, est, en fait, un forçat évadé, un être cynique, un rebelle, qui se place délibérément en marge de la société et de ses lois pour mieux en profiter, qui ne recule devant aucun acte, pourvu qu'il se justifie vis-à-vis de lui-même et non de la société. Philosophe à sa façon, il analyse froidement et sans faux-fuyants ce qui fait agir les hommes : le prestige et, avant lui, l'or et les femmes. Il est le représentant de la volonté de puissance qui animait Balzac lui-même. Plus secrètement, c’est un homosexuel qui cherche à séduire le jeune homme, qui est prêt à se dévouer pour l’être aimé.
En ce qui concerne Rastignac, ‘’Le père Goriot’’ se révèle le type même du roman d'apprentissage. Le jeune homme doit être initié à la vie, vivre le passage douloureux à l'âge adulte et prendre ses responsabilités. C'est au départ un naïf qui arrive de sa campagne et débarque à Paris, qui va devoir apprendre à vivre dans cette société qui propose une morale différente de celle qui lui a été inculquée dans sa famille.
Balzac en a fait un séduisant Méridional : il «avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus». Et, en tant que Méridional, s’il est audacieux, il est prompt au découragement comme aux retours d’optimisme.
Candide à son arrivée à la pension Vauquer, il se trouve vite à la croisée des chemins entre le vice et la vertu. Son éducation, qui n’est pas celle de l’étudiant qu’il est censé être mais celle du jeune provincial qui se frotte à la société parisienne, se fait à travers diverses expériences : une visite à Mme de Restaud l'initie aux secrets d'un adultère ; une conversation entre Mme de Beauséant et Mme de Langeais lui fait découvrir la fausse amitié ; une seconde visite à Mme de Beauséant lui révèle l'orgueil aristocratique ; un passage dans une maison de jeu lui montre la misère élégante. Plein de scrupules, il refuse l'argent de madame de Nucingen. Surtout, il reçoit les deux enseignements parallèles de Mme de Beauséant et de Vautrin dont l'arrestation est une terrible mise en garde contre les dangers de la révolte et de l’abandon à la tentation du plaisir. Si dans ces expériences, son âme ne s’est pas noircie, du moins a-t-il perdu de sa native pureté.
L'agonie solitaire du père Goriot lui enlève ses derniers scrupules. À la fin, il suit le convoi funéraire de celui qui lui a donné un premier exemple. Il est naturel qu'il ne se connaisse qu'une fois Goriot mort et enterré. Il a perdu ses illusions mais acquis aussi une volonté d’affirmation de son ambition. Il se montrera, dans d’autres œuvres de ‘’La comédie humaine’’, un arriviste cynique, baron (dans “La maison Nucingen”), sous-secrétaire d’État, plus ou moins complice d’affaires peu morales, et, n’ayant pas oublié le conseil de Vautrin : «Si l'on veut arriver, il faut se servir des autres et, plus particulièrement, des femmes et de leur mari», il sera aussi un don Juan qui, aussitôt, va dîner chez sa maîtresse.
Le père Goriot, quant à lui, le plébéien sans éducation, l’être d’instinct, suit le même parcours que bien des personnages de Balzac qui sont possédés par une passion qui les dévore tout entiers. Dans l’amour incommensurable et irraisonnable qu'il porte à ses filles, amour que ce «Christ de la paternité» pousse jusqu’à l’immoralité, il est implacablement conduit vers un sacrifice complet, vers une issue fatale, se détruisant pour deux filles qu’il gâte exagérément et qui n’ont pour lui que mépris. Sa souffrance le rend enfin clairvoyant.
Intérêt philosophique
Balzac, insistant sur l’origine, sur le physique, sur le tempérament, montre le déterminisme auquel sont soumis les êtres humains.
Écrivant à la lumière des «deux flambeaux que sont la Religion et la Monarchie», il prône une acceptation de la société, même s’il dénonce les mauvaises mœurs.
De la même façon contradictoire, il enseigne la nécessité de la maîtrise des passions et fait l’éloge de la volonté de puissance, a le culte de l’énergie.
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu