joi, 23 iulie 2009

AUTEURS DE ROMANS - quiz

1. Le dernier jour d'un condamné  ____________
2. La nausée  ___________________________
3. Zadig ou la Destinée  ___________________
4. Salammbô  __________________________
5. Bel-Ami  ____________________________
6. Lucien Lewen  ________________________
7. La maison Nucingen  ____________________
8. L'Astrée  __________________________
9. Manon Lescaut  ______________________
10. Les Hauts de Hurlevent
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la source : www.francaisfacile.com

ARTHUR RIMBAUD - quiz

1. En novembre 1891, ___________( H A A I D U T U M R R B R ) s'éteint dans un hôpital de Marseille. (2 mots) 
2. C'est la fin d'une vie__________( M S L T T U E E U U U ) . 
3. Certains le disaient à la limite de la ___________( É C I H R N P O Z I H S E ) . 
4. Verlaine l'appelait : 'l'homme aux _________( E E L S S M L E ) de vent'. 
5. L' ___________( É I I T I E A R N R ) du poète est scandé en trois étapes. 
6. La première s'intitulerait 'Les déserts de l' ____________( U A R M O ) '. 
7. La seconde peut être parcourue dans 'Une___________ ( I N S S O A ) en enfer'. 
8. La troisième enfin est celle d''Un ange en ____________( X I L E ) '. 
9. Que laisse-t-il de sa liaison passionnelle et ___________( U R A E E G O S ) avec Paul Verlaine ? 
10. Toujours est-il qu'il restera dans la mémoire collective un poète violent, _____________( A T E R N H I S C A ) et révolté. 

la source : www.mesexercices.com
1.ARTHUR RIMBAUD;2.TUMULTUEUSE;3.TUMULTUEUSE;4.SEMELLES;
5.ITINÉRAIRE;6.AMOUR;7.SAISON;8.EXIL;9ORAGEUSE;10.ANARCHISTE

Littérature française en 10 dates

1. En quelle année André Malraux reçoit-il le prix Goncourt pour 'La Condition Humaine' ?


2. En quelle année Victor Hugo publie-t-il 'Notre-Dame de Paris' ?

3. En quelle année 'Perceval ou le conte du Graal', le cinquième roman de Chrétien de Troyes, a-t-il été écrit ?


4. En quelle année 'Le jour des fourmis' de Bernard Werber est-il récompensé par le Prix des lectrices de 'Elle' ?


5. En quelle année la comédie de Molière, 'Les Fourberies de Scapin', est-elle représentée la première fois à Paris ?


6. En quelle année François Rabelais publie-t-il 'Gargantua' sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier, anagramme de son nom ?


7. En quelle année Emile Zola publie-t-il dans 'L'Aurore' le célèbre article 'J'Accuse... !' ?


8. En quelle année 'Candide', le conte philosophique de Voltaire, est-il publié ?


9. En quelle année Michel Houellebecq aborde-t-il des sujets tels que le clonage et la création d'une nouvelle espèce dans 'La Possibilité d'une île' ?


10. En quelle année Jean-Paul Sartre refuse-t-il le prix Nobel de littérature ?


cite: www.mesexercices.com

1. 1933;2.1831;3.vers 1181;4.1993;5.1671;6.1534;7.1898;8.1759;9.2005;10.1964

duminică, 12 iulie 2009

Flaubert et Madame Bovary

Un exercice de style :

Derrière le labeur tourmenté de Flaubert pour polir chaque phrase, il y a la volonté de faire du langage la matière du roman. Emile Zola a dit ce que Flaubert avait fait du roman après Balzac : « Il l’a assujetti à des règles fixes d’observation, l’a débarrassé de l’enflure fausse des personnages, l’a changé en une œuvre d’art harmonique, impersonnelle, vivant de sa beauté propre ainsi qu’un beau marbre ».

Le bovarysme :

Le roman fit scandale : attentat aux bonnes mœurs, anticléricalisme odieux, provinciale débauchée ! On ne voyait pas ce qu’il y avait de bouleversant dans cette quete du bonheur et ce suicide qui en marquait l’échec, celui de la passion autant que de la vertu. Le bovarysme, c’est la « naissance d’une ame factice, d’un aristocratisme de pacotille chez une jeune fille qui la gauchit, qui la façonne, qui la pervertit à son insu et la prépare à etre insatisfaite, dédaigneuse, mijaurée devant les ternes et épaisses occupations de sa vie de femme ».


source : "50 romans clés de la littérature française" - Jean–Claude Berton


L'oeuvre de Stendhal en littérature

Le héros stendhalien :

Il cherche le salut dans l’héroïsme ou dans l’amour. Il est généralement gouverné par une résolution invincible qui le pousse à se surpasser pour atteindre, soit par concertation chevaleresque, soit par coups de tête irréfléchis, un but qu’il s’est promis d’atteindre .


La cristallisation :

Ce but peut être l’amour. Il « cristallise » alors, selon la théorie que Stendhal explique dans De l’Amour, les sensations vagues pour les fixer progressivement en une passion culminante et fatale. Ce paroxysme atteint, l’amour, une fois cristallisé, perd de son intérêt et s’évapore dans une sublimation qui n’en est que l’échec.


Le romain-miroir :

« Un roman, c’est un miroir qu’on promène le long du chemin. Cette définition placée en exergue du chapitre XIII résume les idées de Stendhal sur le roman : une apparence de vie, une lucarne en mouvement, un fragment d’un tout, dont le reflet se déplace en séquences multiples, le long des chemins où le romancier conduit son lecteur.


L’égotisme :

Par ce mot d’origine anglaise, Stendhal indique dans ses Souvenir d’égotisme cette volonté de ne parler que de lui, ou que des autres vus par lui : ses héros ont le culte du moi à un point excessif, tantôt par renoncement, mais toujours sous couvert d’une sincérité qui prétend les excuser ; ils n’ont qu’une hâte, c’est d’accéder au sublime ou de se détruire.


source :"50 romans clés de la littérature française" de Jean –Claude Berton, ed. Hatier,1983



LA VOIX

La théorie de la voix est fondée sur l'interprétation des rapports entre le procès et ses avtants: les différents voix se distinguent entre elles par le choix d'un actant en position de sujet.

Ainsi, il existe une forme verbale qui présente le sujet grammatical comme étant l'agent du procès; c'est la voix active:

Il a blessé son ennemi.

Cette structure s'oppose à une autre qui présente le sujet comme le patient (ou expérimentateur); c'est la voix passive:

Il a été blessé.

Une troisième structure engage un agent et un expérimentateur identiques au point de vue référentiel; c'est la voix pronominale:

Il s'est blessé à la main.

Les rapports entre les différents actants sont plus complexes dans la voix pronominale, ce qui se manifeste par une diversité des valeurs sémantiques du pronominal.

Certaine grammairiens parlent d'une quatrième voix qui fait intervenir un agent déclenchateur de l'action et un agent exécuteur; le premier est choisi en position de sujet superficiel et le second en position d'objet direct ou indirect; c'est la voix factitive:

Il l'a fait attendre.

Il leur fait réciter la leçon.

G.Guillaume reconnait l'existance de deux espèces de voix:

les voix analytiques ( l'actif et le passif)

les voix synthétiques, qui allient l'actif et le passif ( le pronominal).


source : T. CRISTEA -grammaire structurale du francais contemporain

Injonctif adj.

Relatif à une injonction, c'est-à-dire à un ordre formel. Forme de discours qui se caractérise par la volonté de l'auteur de forcer le lecteur à faire quelque chose. Le texte injonctif propose une action. Il se caractérise par la présence d'ordres, de conseils, d'interdictions. Les verbes sont en général à l'impératif.

« Venez ici immédiatement ! » est un énoncé de type injonctif.


joi, 9 iulie 2009

Stendhal ou le réalisme subjectif

Stendhal ou le réalisme subjectif

Armance, quelques scènes d’un salon de Paris en 1827, roman mondain et d’analyse, propose la courte et tragique histoire d’un jeune aristocrate-polytechnicien.

Le style est uni et transparent, hérité de la langue abstraite et pudique, de l’euphémisme et de la litote classique.

Le Rouge et le Noir est roman d’amour, mais aussi roman de mœurs qui peint les libéraux de province, le grand séminaire et le faubourg Saint-Germain. Une chronique du XIXe siècle.

Lucien Leuwen. A cause de son extraordinaire documentation, de son réalisme, apparaît comme « le plus balzacien » des romans de Stendhal.

La Chartreuse de Parme. Une passion italienne, faite de cruauté et d’énérgie. Merveilleux roman romanesque. Roman d’aventures aussi et roman de mœurs politiques. 

En son temps, Stendhal n’espérait pas être compris que de très peu de gens. Il a un goût de l’exactitude et d’une vérité qui soit universelle, fortifiés par la fréquentation des philosophes du XVIIIe siècle et des idéologues dont il partage le désir de rendre parfaitement claire la mécanique morale. A tout cela s’ajoute une tête romanesque.

Stendhal a dit: « Je n’ai jamais songé à l’art de faire un roman. »

Le premier en date des grands romanciers réalistes.

Stendhal a dit: « Le roman est un miroir qu’on promène le long d’un chemin. »

Ce romancier qui veut dire exclusivement le réel a passé pour abstrait; ce romancier qui a voulu laisser parler seulement les faits, et se faire aussi discretement que possible, est le plus subjectif qui soit.

Ce n’est pas le monde extérieur qui l’intéresse, mais la conscience de l’individu et le développement de ses passions.

Il veut garder de l’action uniquement son « résumé moral ».

La curiosité psychologique du romancier, son souci d’analyse se manifestent dans ces monologues ou examens de conscience où le héros se demande ce qu’il doit faire pour garder sa propre estime.

Stendhal croit l’homme enfermé dans ses sensations. Ainsi, il nous livre du réel seulement ce que son point de vue du moment, son attention ou son émotion lui ont permis de percevoir ou de sentir.

Emiettement du réel, relativisme avoué de la vérité. Il y a un univers balzacien, il n’y a que des héros stendhaliens.

Stendhal raconte. Il refuse le style « brillanté » et les grands mots.

Le style de Stendhal refuse d’en être un, et ne reflète que le bonheur d’écrire; il produit sur le lecteur moderne une étonnante impression de liberté et de légèreté, l’impression aussi qu’on n’a pas affaire à un auteur, mais à un homme.

[source Rose Fortassier, Le roman français au XIXe siècle] 

"Le rouge et le noir”

Intérêt de l'action

Stendhal, qui pensait que «le roman doit raconter», que c'est «un livre qui amuse en racontant», fut très soucieux de l'action. Cependant, il ne montra pas d'originalité, ne voulant pas se laisser aller à des affabulations romanesques.
Or lui, qui pensait qu'il n'y avait plus d'exemples de volonté, d'énergie, de passion, d'idéal, que dans le peuple, trouva, dans “La gazette des tribunaux” dont il était un fervent lecteur, deux faits divers où il vit la preuve que, «même en France, même sous la Restauration, l'amour et la jalousie pouvaient être des sources d'énergie, au moins dans les classes modestes.» Ces faits divers, l'affaire Lafargue (ouvrier qui était amoureux d'une femme mariée qui voulut rompre : il se vengea en la tuant) et, surtout, l'affaire Antoine Berthet (fils d’un maréchal-ferrant, il fut admis au séminaire de Grenoble [la ville natale de Stendhal] ; mais, très malade, il fut obligé d'interrompre ses études et devint précepteur dans une famille riche ; il fut alors accusé d'avoir une liaison avec la maîtresse de maison ; renvoyé, il reprit du
service dans la maison voisine où il fut soupçonné de séduire la mère de ses élèves ; persécuté par son ancienne maîtresse qui ne supporta pas d'avoir été si facilement remplacée, il se vengea et lui tira dessus ; il fut ensuite condamné à mort et guillotiné) sont à l'origine du roman dont l’idée lui vint en 1828, au cours d'un voyage à Marseille. En proie à la fièvre de l'improvisation, il se lança, pendant un mois, dans l'ébauche de ce nouvel ouvrage qu'il intitula provisoirement “Julien”. 
De retour à Paris, il reprit son roman en janvier 1830 et, pendant onze mois, écrivit sur un rythme napoléonien, se débonda dans une frénésie de création. Cependant, comme il n'avait pas d'esprit inventif, comme, confia-t-il dans une lettre, «dans les romans, l’aventure ne signifie rien. Ce qu’il faut au contraire se rappeler, ce sont les caractères.», il apprécia «l'avantage de travailler sur un conte tout fait», et ne modifia donc que très peu les données réelles, accepta le cadre commode que l'actualité lui apportait. Il reste qu’il inséra le fait divers sordide dans une structure étudiée, dans une atmosphère décrite avec minutie et, surtout, le centra sur un personnage psychologiquement très développé. 
Il alla chercher au fond de lui-même les caractéristiques principales de Julien Sorel, lui faisant accomplir un périple qu'il aurait pu vivre lui-même, laissant jaillir, à l’âge de quarante-six ans, des souvenirs d'émotions et des réflexions qu'il avait accumulés pendant de longues années d'amour, de lectures, de musique, de voyages, de rêves. La création étant chez lui, comme chez tous les grands écrivains, le fruit d'une synthèse, il emprunta à plusieurs personnes réelles des traits de caractère qu'il n'a attribués qu'à un seul personnage, comme cela semble le cas pour Mathilde de La Mole, tandis que, inversement, les souvenirs qu’il avait de son père lui ont servi à noircir à la fois le portrait du père Sorel et celui de M. de Rênal. 
Au cours d'un véritable travail de maturation, l'oeuvre s'est encore enrichie d'une foule d'anecdotes ou de personnages fournis par le XIXe siècle, et il a procédé à une véritable transposition romanesque :
- en donnant à Mme de Rênal une puissance de passion plus concevable dans l'Italie du XVIe siècle que dans une tranquille petite ville de la province française sous la Restauration ; 
- en faisant de Mathilde de La Mole, fille d'un noble ultra de 1830, une personne «faite pour vivre avec les héros du Moyen Âge» ; 
- surtout, en donnant à Julien Sorel sa propre sensibilité et en en faisant le représentant d'une époque et d'une génération. Les deux séductions réussies par Antoine Berthet devinrent, chez lui, deux sortes d'amours, deux étapes dans une ascension sociale qui est compromise par la révélation surprenante de la passion, mais permet l'accession au bonheur quand toute ambition est abandonnée.
Stendhal n'avait jamais «songé à l'art de faire un roman» : «Je ne me doutais pas des règles. Je compose vingt ou trente pages puis j'ai besoin de me distraire. Le lendemain matin, j'ai tout oublié, mais, en lisant les trois ou quatre dernières pages du chapitre de la veille, le chapitre du lendemain me vient», confia-t-il dix ans plus tard à Balzac. Aussi a-t-il composé son roman sans plan («Le plan fait d'avance me glace. Je ne puis faire le plan qu'après, et en analysant ce que j'ai trouvé.»), selon son état d'esprit quotidien, procédant par saccades, par un chapelet d'improvisations («Mon talent, s'il y a talent, est celui d'improvisateur») qui reflètent l'évolution des personnages, et c’est pourquoi, parfois, les transitions manquent.
Le titre définitif ne fut adopté qu'en mai 1830. Les chapitres ont aussi des titres, sauf les quatre derniers.

‘’Le rouge et le noir’’ est sous-titré “Chronique du XIXe siècle”, ce qui indique donc une volonté de reflet fidèle et minutieux d'une époque. C'est donc, d’une part, un roman réaliste répondant à la définition qui y est donnée, selon une formule attribuée à Saint-Réal, un obscur historien du XVIIIe siècle, mais qui est plus probablement de Stendhal : «Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long d'un chemin» (page 90) ou « qui se promène sur une grande route» (page 381) et même d'un réalisme prétendument objectif («Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d’être immoral» [page 381]). Stendhal entendait fonder la fiction sur le vrai et «copier les personnages et les faits d'après nature». Son tableau est une dénonciation de la société du temps. L’analyse psychologique, si elle est fondée sur une attention extrême portée à un individu, est conduite sans concession et, de ce fait, est réaliste. La réflexion philosophique est une dénonciation de la société. Enfin, le style est sobre.
Cependant, le sujet de l’amour impossible, le comportement de Julien quand arrive la lettre de Mme de Rênal, son bonheur en prison en dépit de l’attente de la mort, le sens profond du roman, en font aussi une œuvre romantique. Mais, refusant le pathétique, Stendhal, par exemple, éluda les détails de l’exécution.

Le champ de ce roman est une lutte entre le romanesque moderne de l'ambition et de l'ascension sociale, et le romanesque traditionnel de l'amour. Cette lutte se poursuit dans les deux parties. 
Dans la première partie, ambition et amour semblent occuper tour à tour l'esprit du héros qui est tiraillé entre eux ; il en résulte une insatisfaction profonde. L'ambition, suscitée par l'admiration pour Napoléon, règne seule d’abord pour la simple raison que Julien ne connaît pas de femme. L'amour que lui porte Mme de Rênal, en lui permettant de parader lors de la visite du roi (pages 114-128), excite alors son ambition : conquérir le coeur d’une femme de rang supérieur, c’était gagner une bataille sociale. Il l’aime parce qu’elle est socialement élevée, mais cette supériorité l’empêche d’aimer librement. Cet amour est ensuite vraiment senti et l’ambition est calmée. Mais il est compromis par la péripétie de la maladie du fils de Mme de Rênal (page 128), qui soumet les deux amants à un dilemme (page 131) ; par la péripétie de la dénonciation par Élisa (page 134), des lettres anonymes (épisode quelque peu comique par le ridicule de M. de Rênal) et aboutit à la nécessaire séparation. Ainsi, finalement, à Verrières, l'ambition est submergée par l'amour. 
Au séminaire de Besançon, Julien ne peut plus que travailler à son ambition, mais elle se butte à l'hostilité du milieu. Par bonheur, il trouve un allié en l'abbé Pirard et peut ainsi s'échapper.
La seconde partie semble d'abord plus explicitement placée sous le signe de l'ambition. La progression sociale du héros s'effectue par le succès de sa mission à Londres (page 298) et, surtout, par la conquête de Mathilde, auprès de laquelle il se comporte en vrai parvenu (page 340), séduit par les honneurs, le luxe, l'élégance. La satisfaction de la réussite sociale nourrit l'amour-propre ; elle est une manière d'acquérir le respect de soi, besoin vital du héros stendhalien. En fait, il n'a pas vraiment de plan à long terme, il adopte des modèles successifs. L'amour n'est donc pas alors en opposition avec l'ambition et l’excite même. Mais les relations sont orageuses ; condamné à jouer l'indifférent pour être aimé, il se trouve en porte-à-faux perpétuel avec ses sentiments. Quand le marquis est soumis à une contrainte par sa fille, le mariage apporte à Julien titre, terres, brevet de lieutenant, fonction, argent. Aussi peut-il se dire : «Mon roman est fini.» (page 474).
C'est alors qu'a lieu un coup de théâtre annoncé par le mystère de «Tout est perdu» (page 477). La lettre de Mme de Rênal, que l'ambitieux a lui-même provoquée, déchaîne la catastrophe, scelle son destin. Le récit se déroule alors avec une grande rapidité (pages 479, 480). On peut s'interroger sur l'attentat de Verrières et sur la suite du roman, critiquer ou justifier la façon dont Stendhal le conduit à partir du moment où arrive à Paris la lettre de Mme de Rênal, trouver le dénouement bizarre. À quelle logique psychologique obéit alors Julien : est-il dans un état second ou dans une constante lucidité? Ce n’est certes pas parce qu’il ne penserait plus qu’à Mathilde qu’il voulut tuer Mme de Rênal, ni pour se venger de l'aristocratie. En tout cas, il revient à lui page 481 : «Ma foi, tout est fini [...] Oui, dans quinze jours la guillotine... ou se tuer d’ici là». Certains critiques ont pu se demander pourquoi la lettre porte un coup si rude au sceptique et cynique marquis de La Mole ; pourquoi il rompt brutalement un projet de mariage que tant de motifs majeurs rendent indispensable ; pourquoi Julien, sitôt mis au fait, au lieu de se précipiter chez le marquis et de lui montrer son erreur, passe chez un armurier, part pour Verrières et tire deux coups de pistolet sur Mme de Rênal. Peut-on n'expliquer son comportement que par la fidélité de Stendhal au fait divers, en oubliant que le bonheur avec Mme de Rênal n'en est pas inspiré? Pour d'autres, le crime de Julien est un acte nécessaire, et la brièveté de Stendhal est une preuve de son génie car il aurait senti spontanément que son héros, qui, d'habitude, cherchait ses raisons d'agir dans une ardente méditation intérieure, devait, sous le coup d'une émotion forte, se déterminer soudain et commettre son crime, poussé comme à son insu par une irrésistible impulsion, dans un de ces sursauts instinctifs et pleins de contradictions du cœur humain. En fait, le coup de théâtre est double : au moment où Julien a tout perdu, il a tout gagné («Jamais je n’aurai été plus heureux» [page 524]) car la fin du roman marque un revirement complet dans les rapports entre amour et ambition («Il considérait toutes choses sous un nouvel aspect, il n’avait plus d’ambition. Il pensait rarement à Mlle de La Mole. Ses remords l’occupaient beaucoup et lui présentaient souvent l’image de Mme de Rênal.» [page 487]), le premier triomphant de la seconde au terme de ce roman de formation. Les coups de feu sur Mme de Rênal (page 480) l’ont libéré du regard social, il entre alors réellement dans l'authenticité ; d'où le bonheur paradoxal éprouvé en prison, lieu clos comme « la petite grotte » dans la montagne où il fut « plus heureux qu’il ne l’avait jamais été de la vie, agité par les rêveries et par son bonheur de liberté » (page 86). Fabrice del Dongo sera, lui aussi, dans ‘’La chartreuse de Parme’’, heureux en prison. Le contraste est alors flagrant entre Mme de Rênal, qui s'abandonne au sentiment amoureux, et Mathilde, qui poursuit son rêve héroïque (le projet d'évasion [page 496]) et qui, après l'apothéose de l'exécution, conserve la tête décapitée.
Dans chacune des parties, Julien Sorel conquiert une femme d'un rang supérieur et se hisse à un niveau supérieur. Chaque fois, il est arrêté dans son ascension pour, la première fois, être obligé de passer par le séminaire dont il est sauvé miraculeusement, et, la seconde fois, détruire lui-même sa situation sociale, connaître la condamnation et la prison. La première histoire d'amour vient donc perturber la seconde par une péripétie tout à fait extraordinaire et s'imposer comme la seule vraie, le bonheur vécu finalement avec Mme de Rênal constituant un véritable « happy ending ». Il y a donc d'abord un certain parallélisme entre les deux parties, puis, soudain, une brusque divergence et une issue à la fois fatale et heureuse, ce qui est exceptionnel. 

Ce roman, qui se veut l'enregistrement des faits et des pensées, qui a quelque chose du roman picaresque, enfilant les situations, saisissant puis abandonnant des personnages secondaires, qui suit Julien dans sa continuelle course de vitesse avec la société, est emporté par un rythme rapide. Comme il aurait été composé sans plan, par un chapelet d'improvisations qui reflétaient l'évolution des personnages selon l’état d'esprit quotidien de Stendhal qui aurait procédé par saccades, ellipses, coups de sang, parfois, par manque de transition, l'image saute, comme elle le faisait au début du cinéma muet.  
Comme il faut bien à ce drame une exposition, elle est faite dans les chapitres 1 à 5 qui nous font connaître Verrières, avec une technique qui n'est pas très différente de celle du cinéma, et surtout certains personnages essentiels. Mais, dans le reste du livre, les descriptions sont rares (même si «Ie roman est un miroir qu'on promène sur un chemin», [page 90]). Contrairement à Balzac qui détaillait avec minutie le cadre où allait se dérouler l'action, Stendhal n'accordait guère d'importance au décor ; c'est que celui-ci ne vient pas déterminer l'action qui s'y déroulera. Il n'avait pas la patience de créer des atmosphères, de faire germer lentement des personnages de leur cocon. Il voulut faire du « Walter Scott abrégé, en sautant les descriptions qui ennuient ». Le lecteur se familiarise tout de même avec ces lieux qui seront le théâtre des grands événements mais dont la description alourdirait les moments de grande intensité dramatique. Quant aux personnages, ils se décrivent eux-mêmes par leurs actes. Cependant, Stendhal se reprochera de n'avoir pas décrit physiquement les personnages dans la scène du salon des La Mole.
Les digressions sont peu nombreuses : celle sur le comportement naturel et le comportement influencé par les romans (page 51) - celle sur la conspiration ultra (page 151) - l'histoire de Geronimo (page 169-171) - le duel envisagé avec l’amant d’Amanda Binet (page 182-184) - la péripétie qui occupe tout un chapitre (II, 6, pages 287-293) de la querelle de Julien avec le cocher de M. de Beauvoisis qui entraîne un duel avec celui-ci, à son tour mécontent de ne s’être battu qu’avec «un simple secrétaire de M. de La Mole» (péripétie qui pourrait être un caprice de l'improvisation). 
N’étant donc pas vraiment diminuée par les descriptions ou les digressions, la tension se maintient, monte progressivement, culmine dans des moments de suspense, des péripéties parfois assez rocambolesques :
- le quiproquo sur le portrait caché (page 72) ; 
- le mélodrame de la maladie du fils de Mme de Rênal, du sentiment de culpabilité de celle-ci (« Je me jette dans la fange ; et, par là peut-être, je sauve mon fils. » [page 131]) comme de Julien et, malgré tout, la persistance de leur amour : « Leur bonheur avait quelquefois la physionomie du crime. » (page 133) (pages 128-133) ;
- l’épisode du séjour de Julien dans la chambre de Mme de Rênal : l’échelle utilisée pour y accéder, lui «le coeur tremblant, mais cependant résolu à périr ou à la voir», se disant : «Gare le coup de fusil !» (page 235), connaissant avec elle une nuit de passion, passant toute la journée suivante caché dans une chambre (page 243), retrouvant enfin son amoureuse jusqu’à ce que surgisse M. de Rênal (page 245) et qu’il doive fuir et «entendre siffler une balle» (page 246) ;
- l’épisode de la nuit passée dans la chambre de Mathilde avec de nouveau une échelle pour y accéder (page 383 où le récit se fait très haletant : «Il volait en montant l’échelle, il frappe à la persienne ; après quelques instants Mathilde l’entend, elle veut ouvrir la persienne, l’échelle s’y oppose : Julien se cramponne au crochet de fer destiné à tenir la persienne ouverte, et, au risque de se précipiter mille fois, donne une violente secousse à l’échelle et la déplace un peu. Mathilde peut ouvrir la persienne.»)
Enfin, la tension se précipite dans le dénouement. 
Les fins de chapitres sont souvent habiles : dans la première partie, celle du chapitre VIII (page 65) qui prépare la scène de la main prise (pages 66-68) - celle du chapitre XVI (page 108 : «Il eût voulu pouvoir la consulter sur l’étrange tentation que lui donnait la proposition de Fouqué, mais un petit événement empêcha toute franchise.») ; dans la seconde partie, celle du chapitre X : « M’aime-t-elle? » (page 328), celle du chapitre XIV (page 354). 
La narration est parfois accélérée avec quelque désinvolture : «Mais, quoique je veuille vous parler de la province pendant deux cents pages, je n’aurai pas la barbarie de vous faire subir la longueur et les “ménagements savants” d’un dialogue de province.» (page 19) - «Nous ne répéterons point la description des cérémonies de Bray-le-Haut ; pendant quinze jours, elles ont rempli les colonnes de tous les journaux du département.», (ce qui est aussi un effet de réalité [page 123]) - «Nous craignons de fatiguer le lecteur du récit des mille infortunes de notre héros.» (page 207) - «Nous passons sous silence une foule de petites aventures.» (page 286) - «Mais il est plus sage de supprimer la description d’un tel degré d’égarement et de félicité.» (384).
Les grandes scènes sont tout de même préparées : 
- l'église de Verrières est présentée, au début du roman, dans une atmosphère tragique («Julien crut voir du sang près du bénitier», effet dû au «reflet des rideaux rouges» [page 37]), annonce l'épisode du meurtre où les mêmes rideaux seront «cramoisis» (pages 480-481) ; d'autre part, un présage de l'exécution de Julien y est donné puisqu'il y découvre un article qui relate les «détails de l'exécution de Louis Jenrel, exécuté à Besançon le... », qu'il remarque que son nom finit comme le sien (il en est même l’anagramme) ; on peut y voir un élément irréaliste, mais s'impose ainsi le leitmotiv du thème de la condamnation à mort («Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme, pensa Mathilde, c’est la seule chose qui ne s’achète pas.» [page 308] - «Tout se passa simplement, convenablement, et de sa part sans aucune affectation.» [page 539]) ;
- il est question de M. de La Mole dès le début et il est présent dès la page 124 ; 
- le bonheur avec Mme de Rênal et les enfants (page 161) annonce celui de la fin ;
- l’échelle utilisée pour monter à la fenêtre de la chambre de Mme de Rênal (page 235) annonce celle utilisée pour accéder à celle de Mathilde (page 383) ;
- les scènes dans la bibliothèque préparent les amours de Julien et de Mathilde ;
- l'admiration de celle-ci pour la condamnation à mort (page 308) annonce son exaltation finale. 

Le roman est divisé en deux parties presque égales : ‘’Livre premier’’ où l’action se passe en province ; ‘’Livre second’’ où l’action se passe principalement à Paris, chacune avec un épisode sentimental et une fin qui incite à la réflexion. Se déroulent deux histoires d’amour : dans un cas, coup de foudre mutuel, froideur dans l’autre ; clandestinité dans les deux cas ; épanouissement complet du sentiment dans le premier cas où le cœur domine la raison, montagnes russes dans le second où la raison domine le coeur. Le personnage de Julien, parti de l'âpre tension haineuse de son «rôle de plébéien révolté » (page 325), s'inscrit dans une courbe, un mouvement de formation romanesque qui le conduit au bonheur amoureux de la prison et à l'héroïsme simple et «naturel» de sa mort : cet apaisement acquis, grâce à l'expérience d'une maîtrise de soi que lui donnent et le dandysme parisien et la reconquête de Mathilde, transforme et parachève, après le « meurtre» de Mme de Rênal, le héros ; la prison est le moyen et le symbole de cette conversion du personnage à la générosité. 

Les chapitres sont nombreux, brefs, constituant une simple succession d'épisodes selon l'ordre chronologique ; les plus longs sont “Un roi à Verrières” (pages 114-127), “Dialogue avec un maître” (pages 140-153), “Le premier avancement” (pages 215-230), “Un ambitieux” (pages 230-246). 
Le récit fait alterner des épisodes de longue durée et des moments plus courts (chapitres I à VI : trois jours ; VII et VIII : sept mois ; VIII à XVI : dix jours ; XVII : des mois ; XIX à XXI : quelques jours ; XXII, XXIII : plusieurs mois,...). Stendhal passe d’un chapitre d'intrigue romanesque à un chapitre d’étude de mœurs, fait suivre des études précises de sentiments par de longues transitions qui permettent aux personnages d'évoluer.

La narration s'accorde au déroulement chronologique. Les retours en arrière sont peu nombreux et ils sont utilisés pour donner des compléments d'information : la mention de la visite de M. Appert (pages 19-23), l'évocation du passé de Julien (pages 35-37). L'anticipation est exceptionnelle (la découverte par Julien, dans l'église de Verrières, de l’article de journal [page 37]). On trouve aussi une projection page 123 : «Plus tard, il entra dans les fonctions de Julien de vérifier les comptes de ce qu’avait coûté cette cérémonie.»
Mais le temps n'est pas mathématique : il est subjectif, le rythme n'étant pas uniforme, le tempo variant, ce qui ménage une alternance d'épisodes de longue durée (le malheur est vécu avec lenteur : l'arrivée au séminaire [page 187]) et de moments plus courts, qui sont même éludés dans des ellipses (pages 102, 383) ; au contraire, le bonheur précipite la fuite du temps : Julien et Mme de Rênal en font l'expérience douloureuse dans leurs moments heureux. 
La reconstitution de la chronologie est possible, même si le romancier ne nous dit pas : «Nous sommes en 1830», car des éléments (l'anniversaire de l'exécution de Boniface de La Mole, le 30 avril 1574, l'allusion au succès d'”Hernani” [page 322] et à la prise d'Alger [page 350]) permettent de dater l'action de manière précise. Chacun des grands séjours de Julien chez M. de Rênal et chez le marquis de La Mole dure environ un an. Avec l'intermède du séminaire et le temps de son emprisonnement, on a pu déterminer que l'exécution de Julien a pu avoir lieu le 25 juillet 1831.

Le roman est écrit à la troisième personne. Le point de vue est donc objectif mais presque jamais omniscient. C'est en fait «un point de vue avec», le point de vue de Julien primant. La focalisation est constamment sur lui, qui est toujours présent, le scénario étant comme une succession de gros plans. On voit les choses comme il les voit :
- l'épisode de la main prise (page 67) n'est perçu qu'à travers l'agressive intentionnalité du jeune précepteur ; 
- nous ne découvrons l'abbé Pirard qu'à travers la terreur de Julien (page 187) ; 
- la comédie à laquelle se livre l'évêque d'Agde (page 120) est surprise avant d'être comprise par le jeune clerc ; 
- de même, lors des scènes à la fenêtre de Mme de Rênal (page 235), de l'attentat (pages 479-480), de l’entrée à la prison (page 481), on a ses monologues intérieurs, auxquels Stendhal recourt abondamment car ses héros sont des fervents de l’introspection. Ainsi une hiérarchie s’établit entre les personnages dont les pensées sont transcrites sous forme de monologues intérieurs et ceux qui sont vus uniquement de l’extérieur. 
C'est en épousant le regard de son héros, en montrant la réalité telle qu’elle est perçue à travers la personnalité de Julien, qui, selon un procédé cher aux philosophes du XVIIIe siècle, est une sorte d'« Ingénu » qui traverse la société française, les milieux de Verrières, de Besançon et de Paris, que Stendhal tendit vers ce que Blin nomma «le réalisme subjectif». Cette technique du point de vue n'exclut cependant ni l'ironie ni la distance. 

Cette restriction de champ est compensée par la présence à peu près constante du narrateur, par ce qu’on appelle les intrusions de l'auteur. 
Elles lui permettent de :
 - prétendre être passé à Verrières : «Mes regards ont plongé dans la vallée du Doubs.» (pages 17-18) - «Je ne trouve quant à moi qu’une chose à reprendre au “Cours de la fidélité”.» (page 18)  
- indiquer qu’il connaît la province : « quoique je veuille vous parler de la province pendant deux cents pages, je n’aurai pas la barbarie de vous faire subir la longueur et les ‘’ménagements savants’’ d’un dialogue de province » (page 19) ;
- se situer politiquement : «quoiqu’il soit ultra et moi libéral, je l’en loue» (page 18) ;
- introduire un complément d'information : «Comme notre intention est de ne flatter personne, nous ne nierons point que Mme de Rênal...» (page 63) - «Nous avons oublié de dire que, depuis six semaines, le marquis était retenu chez lui par une attaque de goutte.» (page 294). 
- alors que Julien, en mission pour le marquis de La Mole et jouant le rôle de secrétaire, est censé écrire, interrompre son récit par cette parenthèse désinvolte : « (Ici l’auteur eût voulu placer une page de points. Cela aura mauvaise grâce, dit l’éditeur, et pour un récit aussi frivole, manquer de grâce, c’est mourir) » et continuer avec un prétendu dialogue entre eux. (page 401).
- susciter une connivence avec le lecteur : « Ne vous attendez point à trouver en France…(page 15) - «Les salons que ces messieurs traversèrent au premier étage, avant d’arriver au cabinet du marquis, vous eussent semblé, ô mon lecteur, aussi tristes que magnifiques.» (pages-260-261) - «Le lecteur est peut-être surpris de ce ton libre et presque amical.» (page 294) - «Tout l'ennui de cette vie sans intérêt que menait Julien est sans doute partagé par le lecteur. Ce sont là les landes de notre voyage. » (page 439)
- commenter l’action pour tenter de prévenir des critiques : «Nous avouerons avec peine, car nous aimons Mathilde […] Nous nous hâtons d’ajouter….» (page 330) - dans une longue parenthèse qu’il ouvre à propos de Mathilde où il feint de se plaindre : «Cette page nuira de plus d’une façon au malheureux auteur. Les âmes glacées l’accuseront d’indécence. Il ne fait point l’injure aux jeunes personnes qui brillent dans les salons de Paris, de supposer qu’une seule d’entre elles soit susceptible des mouvements de folie qui dégradent le caractère de Mathilde. Ce personnage est tout à fait d’imagination et même imaginé bien en dehors des habitudes sociales qui, parmi tous les siècles, assureront un rang si distingué à la civilisation du XIXe siècle. […] Malheur à l’homme d’étude qui n’est d’aucune coterie […] Hé, monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route […] Maintenant qu’il est bien convenu que le caractère de Mathilde est impossible dans notre siècle, non moins prudent que vertueux, je crains moins d’irriter en continuant le récit des folies de cette aimable fille.» (pages 380-381).
- surtout exprimer un jugement personnel sur Julien Sorel, l’écart entre la lucidité du narrateur et l’inconscience du personnage faisant naître l’ironie, la distance ou la répulsion : «Ce mot vous surprend? Avant d’arriver à cet horrible mot, l’âme du jeune paysan avait eu bien du chemin à parcourir.» (page 35) - «Le plaisant, avec tant d’orgueil, c’est que souvent il ne comprenait absolument rien à ce dont on lui parlait.» (page 55) - «....si j’ose parler ainsi de la grandeur des mouvements de passion qui bouleversaient l’âme de ce jeune ambitieux...» (page 78) - «Cet être dont l’hypocrisie et l’absence de toute sympathie étaient les moyens ordinaires de salut, ne put cette fois supporter l’idée du plus petit manque de délicatesse envers un homme qui l’aimait.» (page 88) - « J’avoue que la faiblesse, dont Julien fait preuve dans ce monologue, me donne une pauvre opinion de lui. » (page 157) - «Si, au lieu de se tenir dans un lieu écarté, il eût erré au jardin et dans l’hôtel de manière à se tenir à portée des occasions, il eût peut-être, en un seul instant, changé en bonheur le plus vif son affreux malheur.» (page 372) - «Comment arrivé à cet excès de malheur, le pauvre garçon eût-il pu deviner que c’était parce qu’elle parlait à lui, que Mlle de La Mole trouvait tant de plaisir à repenser aux velléités d’amour qu’elle avait éprouvées jadis pour M. de Caylus ou M. de Croisenois.» (page 374) - « C’est, selon moi, l’un des plus beaux traits de son caractère…» (page 451) - «suivant moi, ce fut une belle plante.» (page 491).

Il appelle souvent son personnage «notre héros», mais c’est pour se moquer de lui, l’expression de l’adimation étant rare. Mathilde aussi a droit à de tels commentaires : «Nous avouerons avec peine, car nous aimons Mathilde, qu’elle avait reçu des lettres de plusieurs d’entre eux [les jeunes aristocrates qui la courtisent] et qu’elle leur avait quelquefois répondu. Nous nous hâtons d’ajouter que ce personnage fait exception aux moeurs du siècle.» (page 330).

Ces intrusions témoignent de l’impossibilité pour Stendhal de se faire oublier, de sa volonté de se mettre en scène. Elles sont même le signe de son égotisme. Elles instaurent aussi une relation avec le lecteur, créant ainsi la communauté des « happy few » (auxquels il a dédicacé son livre à la fin de ‘’La chartreuse de Parme’’), les privilégiés, qui le comprennent vraiment. 



Honoré de Balzac

Le premier romancier à part entière, vivant de son métier.

La peau de chagrin, premier grand roman. L’argument et philosophique: vouloir et pouvoir brûlent la vie. Etude de mœurs, étude philosophique et étude analytique. Roman qui se recommande de la tradition rabelaisienne, il tient sa plus grande originalité et beauté du foisonnement des images, du passage à l’allégorie et au mythe.

Continue avec Le Médecin de campagne.

Projette Les Etudes sociales, dont Les Etudes de mœurs sont la plus basse assise. La seconde assise sont Les Etudes philosophiques. La dernière sont Les Etudes analytiques.

Etudes de mœurs - Scènes de la vie de province, Eugénie Grandet.

Les grandes vedettes du roman balzacien:
- Rastignac, l’ambitieux;
- Bianchon, l’étudiant en médecine qui deviendra une sommité médicale;
- le dandy Henri de Marsay, futur ministre;
- la marquise d’Espard, grande mondaine.

Les scènes de la vie privée sont essentiellement axées sur la question du mariage: le choix du conjoint, les unions disproportionnées ou mal assorties, les dégoûts et les haines qui ne résultent, les embûches du contrat, la manière de conduire son ménage, l’équilibre à maintenir entre la vie privée et la vie sociale, les douleurs de l’abandon, l’incompatibilité d’humeur, les drames et les comédies de l’adultère, séparation et réconciliation.

Balzac a plongé dans les secrets et les drames de la vie privée le regard à la fois du médecin, de l’homme de loi et du prêtre.

Balzac a conçu la province comme le lieu de l’immobilisme, mais aussi comme le creuset d’où sortent les « sommités » parisiennes, et le lieu où viennent échouer les vaincus sans grandeur.

Le Paris de La Comédie humaine est conçu comme le lieu fantastique où tout peut arriver et dont les drames ne sauraient être compris en dehors des barrières, l’enfer dantesque des luttes pour l’or et le plaisir. Paris est une société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée.

La Comédie humaine comporte 85 œuvres, sur les 115 prévues. Y évoluent plus de 4000 personnages, toute la société française de la Restauration et de la Monarchie de Juillet. Le romancier est le secrétaire de la société de son temps.

Chaque être est replacé dans son décor, sa maison, avec ses traits, ses gestes, sa voix, la langue qu’il parle, le vêtement qu’il porte.

Cette peinture – milieux, caractères, situations – résulte d’une observation énorme. Balzac a dit: « On n’invente jamais rien. » Mais sur tous les éléments fournis par le réel, vu ou narré, le romancier opère un immense travail. Il crée des types, des caractères.

La Comédie umaine n’est pas une reproduction de la société existante, elle en est une création. Balzac a créé un monde, son monde. Il reprend certains de ses personnages. Ceux-ci sont connus aux lecteurs grâce à des « flashes » successifs, exactement comme dans la vie réelle, où des récits, des confidences, des révélations, des articles nécrologiques composent tardivement le curriculum vitae de gens dont nous avons cru être proches.

Balzac est un romancier « omniscient ».

Chaque roman est ouvert à une double compréhension, Balzac étant convaincu que la vérité ne se trouve que dans l’équilibre maintenu entre des opinions opposées. D’ailleurs, son système philosophique concilie matérialisme et spiritualisme. Balzac croit à l’existence d’une substance primordiale, sorte de fluide magnétique, électrique, qu’il nomme « Pensée » ou « Volonté ». Pour lui, l’homme possède, en naissant, une somme d’énergie, un « capital de forces humaines » donné, qu’il pourra dépenser en pensée ou en passion, en efforts physiques ou en orgies, en roulades ou en entrechats. Il a été inspiré par Swedenborg et le philosophe mystique Louis-Claude de Saint-Martin.

La structure de l’œuvre balzacienne est tripartite:
1) Etudes philosophiques révèlent « l’homme extérieur » (les effets);
2) Etudes de mœurs révèlent les « individus typisés »;
3) Etudes analytiques révèlent les principes qui règlent l’activité de l’individu en société.

Balzac a écrit: « A mesure que l’homme se civilise, il se suicide. »

En dépit de sa division tripartite, l’œuvre a un caractère profondément synthétique, unitaire.

Balzac compare l’Animalité et l’Humanité. Les espèces sociales sont des espèces zoologiques.

L’idée qu’il n’y a pas plus d’égalité dans la société que dans la nature, se fonde sur une indispensable hiérarchie sociale. Balzac préconise un pouvoir fort, condamne l’individualisme moderne, exalte le catholicisme et le légitimisme.

On a longtemps dit de Balzac qu’il écrit mal, qu’il écrit de façon linéaire.

Le roman balzacien prend toutes les formes:
- roman par lettres (Le Lys dans la valée, Mémoires de deux jeunes mariées);
- roman-gigogne, commençant par la fin selon une technique vulgarisée par le cinéma (La Duchesse de Langeais);
- roman pictural (La Fille aux yeux d’or);
- roman musical (Gambara);
- roman policier (Une ténébreuse affaire).

La création balzacienne frappe par son caractère démiurgique. L’ensemble donne l’impression d’une somme. Elle constitue une sorte de miroir du monde.

A partir de Balzac, tout ce qui s’écrira en fait d’œuvre romanesque le sera dans sa foulée, parfois pour rivaliser avec son gigantesque projet.

[source Rose Fortassier, Le roman français au XIXe siècle] 

“Le père Goriot” 1834

Intérêt de l’action

C’est à la fois un roman social, un roman psychologique, un roman policier. L’intrigue est complexe : après la longue mise en train (qui occupe le tiers de l’ensemble), la crise est rapide, se déroulant à travers une série de dialogues et de scènes puissantes. Elle suit trois pistes différentes :
- l’éducation de Rastignac qui reçoit trois leçons (celle de Mme de Beauséant, celle de Goriot, celle de Vautrin) ;
- le drame du père Goriot (qui est fait sur le modèle de celui du roi Lear de Shakespeare ;
- le roman policier de Vautrin, le forçat évadé qui est opposé à la société (sur le modèle de Vidocq).
Deux mouvements s’opposent : tandis que Rastignac connaît une ascension, le père Goriot subit une véritable déchéance. 

Dans l’édition originale, le roman ne comportait pas de découpage, le texte se déroulant d’une seule coulée.
La chronologie est linéaire : l’action se déroule en moins de trois mois, mais il y a des retours en arrière, surtout au début.
Le point de vue est objectif et balzac se voudrait neutre dans sa narration comme dans ses descriptions. Mais il laisse parler ses sentiments et intervient dans le récit, en particulier pour nous faire part du dégoût que lui inspire la montée du pouvoir de l'argent ou l’état d’esprit que cela engendre : « Qui décidera de ce qui est le plus horrible à voir, ou des cœurs desséchés, ou des crânes vides? ». 
La focalisation se fait tantôt sur Rastignac, tantôt sur Goriot, tantôt sur Vautrin.

Intérêt littéraire

Balzac manifesta dans le roman sa puissance verbale, mais sans éviter des lourdeurs (en particulier dans des développements didactiques).
Il fit preuve d’une grande précision descriptive, non sans effets de style.
Les dialogues sont réalistes car Balzac avait beaucoupo de curiosité pour la langue parlée. Ainsi, il restitua l’argot des forçats, rendit des particularités de prononciation (la prononciation pseudo-tudesque de Nucingen).
Ses effusions de lyrisme sont parfois un peu exagérées et même ridicules à nos yeux. Les comparaisons et les métaphores sont nombreuses, parfois singulières.

Intérêt documentaire

Balzac, qui affirma dans la préface : « Ce drame n'est ni une fiction, ni un roman : all is true. », entendait donner un tableau réaliste, selon une vision objective, quasi scientifique. Étant convaincu de l’influence du milieu sur les individus, il décrivit avec précision la pension Vauquer (véritable microcosme de la société par son étagement de classes sociales et de différentes générations), différents quartiers de Paris. Il applique la loi de la conformité des espèces avec les milieux où elles évoluent. C’est ainsi qu’au sujet de Mme Vauquer il avait écrit : « Toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. »

Les différentes classes : le peuple, la petite bourgeoisie, l’aristocratie, ont été bouleversées dans un passé récent, la Révolution ayant permis justement à Goriot de faire sa fortune, de marier ses filles à des aristocrates qui ont maintenant repris le pouvoir et le méprisent non sans raisons. 
La volonté de réalisme de Balzac lui fait montrer le rôle essentiel de l’argent, qui est souligné surtout dans l'évolution financière du père Goriot, riche commerçant qui, la première année où il se trouve à la pension, vit à l’aise avec 1200 francs de pension et 8000 de rente, une solide condition physique, une magnifique garde-robe ; qui, dès la deuxième année, se voit obligé de prendre une pension à 900 francs et de réduire son train de vie ; qui, la troisième année, prend la pension la moins chère (45 francs), ne jouissant plus d’aucun luxe et sa condition physique s’étant dégradée sérieusement ; qui, la quatrième année, voit sa dégradation physique s'accentuer tandis que ses filles le rendent fou et que, pour leur faire plaisir et leur éviter le moindre effort, il se ruine progressivement afin de leur fournir un maximum d'argent qu'elles jettent par les fenêtres.
Mais la volonté de réalisme de Balzac ne l’empêche pas de se montrer nostalgique de la société qui s'en va avec la montée du pouvoir de l'argent, et cela se ressent à travers ses descriptions.

Intérêt psychologique

Dans cette étude de caractères encadrée par une étude de moeurs, Balzac prétend s'appuyer sur des théories scientifiques pour construire ses personnages. Rastignac et Vautrin sont l'un et l'autre représentatifs de la manière d'évoluer dans le monde lorsque les astres n'ont pas été favorables dès la naissance. 
Vautrin, apparemment un farceur, est, en fait, un forçat évadé, un être cynique, un rebelle, qui se place délibérément en marge de la société et de ses lois pour mieux en profiter, qui ne recule devant aucun acte, pourvu qu'il se justifie vis-à-vis de lui-même et non de la société. Philosophe à sa façon, il analyse froidement et sans faux-fuyants ce qui fait agir les hommes : le prestige et, avant lui, l'or et les femmes. Il est le représentant de la volonté de puissance qui animait Balzac lui-même. Plus secrètement, c’est un homosexuel qui cherche à séduire le jeune homme, qui est prêt à se dévouer pour l’être aimé. 

En ce qui concerne Rastignac, ‘’Le père Goriot’’ se révèle le type même du roman d'apprentissage. Le jeune homme doit être initié à la vie, vivre le passage douloureux à l'âge adulte et prendre ses responsabilités. C'est au départ un naïf qui arrive de sa campagne et débarque à Paris, qui va devoir apprendre à vivre dans cette société qui propose une morale différente de celle qui lui a été inculquée dans sa famille. 
Balzac en a fait un séduisant Méridional : il «avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus». Et, en tant que Méridional, s’il est audacieux, il est prompt au découragement comme aux retours d’optimisme.
Candide à son arrivée à la pension Vauquer, il se trouve vite à la croisée des chemins entre le vice et la vertu. Son éducation, qui n’est pas celle de l’étudiant qu’il est censé être mais celle du jeune provincial qui se frotte à la société parisienne, se fait à travers diverses expériences : une visite à Mme de Restaud l'initie aux secrets d'un adultère ; une conversation entre Mme de Beauséant et Mme de Langeais lui fait découvrir la fausse amitié ; une seconde visite à Mme de Beauséant lui révèle l'orgueil aristocratique ; un passage dans une maison de jeu lui montre la misère élégante. Plein de scrupules, il refuse l'argent de madame de Nucingen. Surtout, il reçoit les deux enseignements parallèles de Mme de Beauséant et de Vautrin dont l'arrestation est une terrible mise en garde contre les dangers de la révolte et de l’abandon à la tentation du plaisir. Si dans ces expériences, son âme ne s’est pas noircie, du moins a-t-il perdu de sa native pureté. 
L'agonie solitaire du père Goriot lui enlève ses derniers scrupules. À la fin, il suit le convoi funéraire de celui qui lui a donné un premier exemple. Il est naturel qu'il ne se connaisse qu'une fois Goriot mort et enterré. Il a perdu ses illusions mais acquis aussi une volonté d’affirmation de son ambition. Il se montrera, dans d’autres œuvres de ‘’La comédie humaine’’, un arriviste cynique, baron (dans “La maison Nucingen”), sous-secrétaire d’État, plus ou moins complice d’affaires peu morales, et, n’ayant pas oublié le conseil de Vautrin : «Si l'on veut arriver, il faut se servir des autres et, plus particulièrement, des femmes et de leur mari», il sera aussi un don Juan qui, aussitôt, va dîner chez sa maîtresse. 

Le père Goriot, quant à lui, le plébéien sans éducation, l’être d’instinct, suit le même parcours que bien des personnages de Balzac qui sont possédés par une passion qui les dévore tout entiers. Dans l’amour incommensurable et irraisonnable qu'il porte à ses filles, amour que ce «Christ de la paternité» pousse jusqu’à l’immoralité, il est implacablement conduit vers un sacrifice complet, vers une issue fatale, se détruisant pour deux filles qu’il gâte exagérément et qui n’ont pour lui que mépris. Sa souffrance le rend enfin clairvoyant.

Intérêt philosophique

Balzac, insistant sur l’origine, sur le physique, sur le tempérament, montre le déterminisme auquel sont soumis les êtres humains.
Écrivant à la lumière des «deux flambeaux que sont la Religion et la Monarchie», il prône une acceptation de la société, même s’il dénonce les mauvaises mœurs.
De la même façon contradictoire, il enseigne la nécessité de la maîtrise des passions et fait l’éloge de la volonté de puissance, a le culte de l’énergie.






marți, 7 iulie 2009

ANOUILH

ANOUILH


Jean Anouilh este né en 1910, dans une famille de modeste petite-bourgeoisie. Il travaille comme secrétaire de Louis Jouvet et entre de bonne heure en contact avec le monde du théâtre (il allait connaître également Georges Pitoëff).

En 1932 a lieu la première représentation à Vne de ses pièces, L'Hermine. Son succès le décide à se cossacrer au théâtre et à vivre de ce métier. Il réussit à tenir sa gageure : tout le long de sa carrière ses pièces ont occupé une place de choix sur les scènes françaises et étrangères.

Il est-mort en 1967.

PRINCIPALES OEUVRES : Le Voyageur sans bagage, 1937 ; La Sauvage, 1938 ; Le Rendez-vous de Senlis, 1941 ; Antigone 1943 ; Ardèle ou la marguerite, 1948 ; Colombe, 1951 ; L'Alouette, 1953 ; Pauvre Bitos ou le dîner de têtes, 1956 ; Becket ou l'honneur de Dieu, 1958 ; L'Hurluberlu, 19S9 ; Le Boulanger, la boulangère. et le petit mitron, 1968 ; Cher Antoine ou l'Amour raté, 1969 ; Monsieur Barnett, 1975.


Le premier contact avec le théâtre de JL Giraudoux (lorsqu'il assista à la représentation de Siegfried, ayant comme protagoniste L. Jouvet) fut révélateur pour la vocation du jeune Anouilh.

Au fait, une profonde affinité de conception et de sensi­bilité liait les deux écrivains : Anouilh allait continuer la quête de la pureté entreprise par Giraudoux. Plus pessimiste, plus radical dans ses exigences, plus allergique à tout com­promis avec la médiocrité, Anouilh situera souvent cette quête au niveau d'une âpre critique de la société de son temps.

Il avait lui-même qualifié ses pièces comme roses, noires, brillantes ou grinçantes selon le registre dans lequel s'inscri­vait sa protestation contre les diverses formes d'avilissement portant atteinte à la dignité et à la pureté humaines.

Pièce „rose« par son dénouement, Le Voyageur sans bagage exprime le drame d'un amnésique qui, après dix-sept ans d'oubli (durée qui équivaut à l'âge de l'adolescence et pendant laquelle il fait l'apprentissage de la pureté) redé­couvre la famille bourgeoise qui avait été la sienne, son univers mesquin et avilissant, et se découvre lui-même, tel qu'il avait été, médiocre et corrompu. Desespéré, il refuse de se réintégrer dans cet univers et, par chance, réussit à se forger une nouvelle identité.

Une autre hypostase de l'adolescence qui, au nom de la pureté, se refuse à l'intégration dans la vie sociale est envisagée dans La Sauvage et surtout, d'une façon radicale, dans la version donnée par Anouilh au destin tragique d'An-tigone.

Dans cette version, Antigone refuse la planche de salut offerte par Créon parce qu'elle préfère mourir à l'âge de la pureté plutôt que de vivre dans la médiocrité et accepter les compromis auxquels l'existence sociale allait fatalment la contraindre.

La no.re solitude de sa mort, malgré la présence du garde qui l'accompagne, explique et justifie mieux cette décision : assoiffée de tendresse et de compréhension, elle essaye de découvrir chez le garde un peu de chaleur humaine. Mais, avec une cruauté involontaire, insensible au fait que la jeune fille allait mourir, il l'entretient sur ses préoccupations mes­quines, liées à son métier, à sa possible promotion. La tona­lité de désespoir de cette fin tragique trahit le pessimisme dominant d'Anouilh.

Cependant, malgré son destin tragique,la figure héroïque de ^Jeanne d'Arc, évoquée dans L'Alouette, constitue, au contraire, une source tonifiante d'espoir.

Les victoires de l'héroïne, soutenue par l'enthousiasme des troupes, représentent autant de victoires de la pureté face à la bassesse des intrigues politiques et à la mesquinerie des intérêts qui décident des événements historiques.

Une autre victoire, moins éclatante, mais toujours tonifi­ante, est celle du primat de l'Angleterre, Thomas Becket,

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face au roi Henri II (Becket). Lié d'une étroite amitié avec le roi, son compagnon d'aventures pendant leur folle jeunesse, Becket possédait un capital de grandeur morale, de généro­sité et de pureté dont il ne savait pas trop quoi faire. Le roi eut l'idée malheureuse de le nommer primat de l'Angleterre. Prenant au sérieux cette charge religieuse, Becket utilise tout son potentiel de force morale et d'éner­gie pour lutter contre les abus du roi au nom de la piété que lui ordonnait sa nouvelle fonction. Il mène cette lutte sans fléchir jusqu'au sacrifice surpême et, tout en donnant la mesure de sa beauté morale, réussit à défendre d'une façon, en fin de compte, victorieuse, l'aspiration humaine à l'intérgité et à la dignité.

Malgré la générosité de son message, la dramaturgie d'Anouilh présente un cas assez surprenant de survivance. presque anachronique, d'une conception traditionnelle sui le théâtre pendant une longue période d'épanouissement victorieux des formes nouvelles : si jusqu'à la moitié du siècle la dramaturgie d'Anouilh, représentative pour le théâ­tre poétique qui avait dominé la scène de rentre-deux-guerres» y avait occupé, d'une façon bien explicable, une place de choix, le fait qu'il a continué à écrire et à faire jouer son théâtre poétique pendant plus d'un quart de siècle après les années '50 (qui avaient cependant assisté à l'affirma-? tion spectaculaire et au succès retentissant d'une drama­turgie nouvelle et avaient marqué une baisse très considé­rable de l'intérêt face à la dramaturgie de Cocteau et de Giraudoux) peut sembler asez surprenant.

Dénigré par certains partisans du Nouveau Théâtre comme étant un simple fabricateur de pièces de boulevard, porté aux nues par les défenseurs nostalgiques d'un passé révolu, Anouilh reste probablement, grâce à sa probité et à sa modestiev le meilleur juge de son oeuvre.

Il a salué avec enthousiasme la dramaturgie de Beckett

et de Ionesco et a reconnu ouvertement leur supériorité ; il a contribué à la promotion d'autres ^nouveaux dramaturges" ; il a aidé à sortir de l'oubli la pièce surréaliste Victor de son ami R. Vitrac (laquelle, quoique écrite plus d'un quart de siècle auparavant, correspondait mieux au nouvel horizon d'attente que les siennes).

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Ceci ne Ta cependant pas empêché de soumettre, dans U Hurluberlu, à une critique implacable (mais non rancunière) les avatars de la nouvelle dramaturgie. Cette contradiction n'est qu'apparente : tout en constatant l'impasse vers laquelle se dirigeait la quête du Nouveau Théâtre, il était cependant conscient du fait que le grand chemin de la dramaturgie avait dû passer par là et que son propre théâtre s'en situait un peu à l'écart.

Le fait que ceux qui défendaient son théâtre étaient souvent des spectateurs burgeois du théâtre de boulevard ne l'a pas empêché de s'attaquer aux moeurs de la bourgeoisie avec une virulence de plus en plus mordante, féroce même.

Si d'autre part, ses idées politiques sont traditionalistes, ces apparentes contradictions disparaissent lorsqu'on prend en considération le caractère unitaire de son oeuvre.

Son refuge dans la tradition s'explique par son opinion que la société de consommation instaurée après la Deuxième Guerre mondiale aliène et déshumanise, c'est-à-dire avilit l'intégrité et la pureté qu'il s'était proposé de défendre.

Si son théâtre a bien résisté à la concurrence de la dra­maturgie nouvelle ce fut, en une certaine mesure, grâce à sa profonde connaissance du métier et à son ouverture face aux solutions scéniques nouvelles.

Il utilise avec maîtrise, dans L'Alouette, la technique brechtienne de la ^distanciation" ; il réussit à réaliser des moments de „participation", selon les exigences d'un théâ­tre-événement (perspective Artaud) ; il réalise, dans La Valse des torréadors et dans Le Boulanger, la boulangère et le petit mitron, un déclenchement de haine absurde et dérisoire qui rappelle certaines farces tragiques de facture surréaliste ou certaines pièces de Ionesco.

D'autre part, le caractère généreux du message d'Anouilh (lié au thème éternel de la pureté et actualisé par la critique des réalités contemporaines) peut justifier, lui-aussi, la sur­vivance de son théâtre.

Mais c'est surtout grâce aux accents de sincérité et à la chaleur humaine qui se dégagent de sa façon de traiter cette thématique (laquelle, somme toute, aurait exigé une mise enéquation différente pour mieux répondre aux interrogations actuelles sur l'homme, et sur la pérennité de ses valeurs), que le nom de l'auteur de L'Alouette restera lié à un moment de qualité de l'histoire du théâtre français contemporain.


VICTOR HUGO

Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français considéré comme le plus important des écrivains romantiques de langue française et un des plus importants écrivains de la littérature française.
Son œuvre est très diverse : romans, poésie lyrique, drames en vers et en prose, discours politiques à la Chambre des Pairs, correspondance abondante.
Victor Hugo a fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre en tant que chef de file du mouvement romantique. Il a aussi permis à de nombreuses génération de développer une réflexion sur l'engagement de l'écrivain dans la vie politique grâce à ses multiples engagements qui le condamneront à l'exil.
L'ensemble de ce qui a survécu des écrits de Victor Hugo (plusieurs lettres personnelles ont été volontairement détruites par ses exécuteurs testamentaires Paul Meurice et Auguste Vacquerie) a été publié chez Jean-Jacques Pauvert et représente presque quarante millions de caractères.
« L'ensemble de mon œuvre fera un jour un tout indivisible. [...]Un livre multiple résumant un siècle, voilà ce que je laisserai derrière moi [...] » — Lettre du 9 décembre 1859
À travers ces mots, on devine une volonté farouche de pratiquer tous les genres : roman, poésie, théâtre, essai, etc. — autant qu'une passion du Verbe, à condition toutefois que ce dernier soit ancré dans l'Histoire. Par conséquent, distinguer la fiction proprement dite de l'engagement politique est, chez Hugo plus que chez tout autre écrivain, une gageure.
Le romancier
Hugo a laissé neuf romans. Le premier, Bug-Jargal a été écrit à seize ans ; le dernier, Quatrevingt-treize, à soixante-douze. L'œuvre romanesque a traversé tous les âges de l'écrivain, toutes les modes et tous les courants littéraires de son temps sans jamais se confondre totalement avec aucun. En effet, on trouve toujours chez Hugo une volonté de parodie et de décalage : Han d'Islande en 1823, Bug-Jargal publié en 1826, Notre-Dame de Paris en 1831 ressemblent aux romans historiques en vogue au début du XIXe siècle mais n'en sont pas vraiment ; c'est que Hugo n'est certainement pas Walter Scott ; chez lui en effet, les temps modernes pointent toujours derrière l'Histoire.
Le Dernier Jour d'un condamné en 1829 et Claude Gueux en 1834 ne sont pas plus aisés à définir. Ce sont des romans à la fois historiques et sociaux qui sont, surtout, engagés dans un combat — l'abolition de la peine de mort — qui dépasse de loin le cadre de la fiction. On pourrait en dire autant des Misérables qui paraît en 1862, en pleine période réaliste, mais qui lui emprunte peu de caractéristiques. Ce succès populaire phénoménal embarrassera d'ailleurs la critique car il louvoie constamment entre mélodrame populaire, tableau réaliste et essai didactique
De la même façon, dans Les Travailleurs de la mer (1866) et dans L'Homme qui rit (1869), Hugo se rapproche davantage de l'esthétique romantique du début du siècle, avec ses personnages difformes, ses monstres et sa Nature effrayante.
Enfin, en 1874, Quatrevingt-treize signe la concrétisation romanesque d'un vieux thème hugolien : le rôle fondateur de la Révolution française dans la conscience littéraire, politique, sociale et morale du XIXe siècle.
Le roman hugolien n'est pas un « divertissement » : il est presque toujours au service du débat d'idées. On l'a vu avec les romans abolitionnistes de sa jeunesse, on le voit encore dans sa maturité à travers de nombreuses et parfois envahissantes digressions sur la misère matérielle et morale dans Les Misérables. Toutefois, dans ce dernier roman commencé en 1845 et 1848, on a détecté l'influence de Balzac[12], notamment celle du Curé de village avec lequel Monseigneur Myriel a des points communs. Et la parenté entre Vautrin et Jean Valjean (le second étant l'envers positif de l'autre) est assez évidente, le monde et les coutumes des bagnards étant décrit dans Splendeurs et misères des courtisanes[13]. Ses héros sont, comme les héros de tragédie (le dramaturge n'est pas loin), aux prises avec les contraintes extérieures et une implacable fatalité tantôt imputable à la société (Jean Valjean ; Claude Gueux ; le héros du Dernier jour d'un condamné), tantôt à l'Histoire (Quatrevingt-treize) ou bien à leur naissance (Quasimodo). C'est que le goût de l'épopée, des hommes aux prises avec les forces de la Nature, de la Société, de la fatalité, n'a jamais quitté Hugo ; l'écrivain a toujours trouvé son public sans jamais céder aux caprices de la mode : qui s'étonnera qu'il ait pu devenir un classique de son vivant?
Le poète
À vingt ans, Hugo publie les Odes, recueil qui laisse déjà entrevoir, chez le jeune écrivain, les thèmes hugoliens récurrents : le monde contemporain, l'Histoire, la religion et le rôle du poète, notamment. Par la suite, il se fait de moins en moins classique, de plus en plus romantique, et Hugo séduit le jeune lecteur de son temps au fil des éditions successives des Odes (quatre éditions entre 1822 et 1828).
En 1828, Hugo réunit sous le titre Odes et Ballades toute sa production poétique antérieure. Fresques historiques, évocation de l'enfance ; la forme est encore convenue, sans doute, mais le jeune romantique prend déjà des libertés avec le mètre et la tradition poétique. Cet ensemble permet en outre de percevoir les prémices d'une évolution qui durera toute sa vie : le catholique fervent s'y montre peu à peu plus tolérant, son monarchisme qui se fait moins rigide et accorde une place importante à la toute récente épopée napoléonienne ; de plus, loin d'esquiver son double héritage paternel (napoléonien) et maternel (royaliste), le poète s'y confronte, et s'applique à mettre en scène les contraires (la fameuse antithèse hugolienne !) pour mieux les dépasser :
« Les siècles, tour à tour, ces gigantesques frères,
Différents par leur sort, semblables en leurs vœux,
Trouvent un but pareil par des routes contraires. »
Puis Hugo s'éloigne dans son œuvre des préoccupations politiques immédiates auxquelles il préfère — un temps — l'art pour l'art. Il se lance dans les Les Orientales (l'Orient est un thème en vogue) en 1829, (l'année du Dernier jour d'un condamné).
Le succès est important, sa renommée de poète romantique assurée et surtout, son style s'affirme nettement tandis qu'il met en scène la guerre d'indépendance de la Grèce (l'exemplarité de ces peuples qui se débarrassent de leurs rois n'est pas innocente du contexte politique français) qui inspira également Lord Byron ou Delacroix.
Dès Les Feuilles d'automne (1832), Les Chants du crépuscule (1835) Les Voix intérieures (1837), jusqu'au recueil Les Rayons et les ombres (1840), se dessinent les thèmes majeurs d'une poésie encore lyrique — le poète est une « âme aux mille voix » qui s'adresse à la femme, à Dieu, aux amis, à la Nature et enfin (avec Les Chants du crépuscule) aux puissants qui sont comptables des injustices de ce monde.
Ces poésies touchent le public parce qu'elles abordent avec une apparente simplicité des thèmes familiers ; pourtant, Hugo ne peut résister à son goût pour l'épique et le grand si bien que, dès le premier vers des Feuilles d'automne, on peut lire le fameux :
« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte »
On le voit, Hugo s'applique d'emblée à ancrer le poète dans l'Histoire. Il ne l'en fera jamais sortir, tout au long de son œuvre.
À partir de l'exil commence une période de création littéraire qui se caractérise par sa richesse, son originalité et par sa puissance. C'est alors que naîtront certains des plus fameux poèmes de la langue française (l'Expiation dans les Châtiments, Booz endormi dans la Légende des siècles, pour ne citer que ces deux exemples).
Les Châtiments sont des vers de combat qui ont pour mission, en 1853, de rendre public le « crime » du « misérable » Napoléon III : le coup d'État du 2 décembre.
Quelques années plus tard, Hugo déclare, à propos des Contemplations qui paraissent en 1856 : « Qu'est-ce que les Contemplations ? — Les mémoires d'une âme »[] Apothéose lyrique, marquée par l'exil à Guernesey et la mort (cf. Pauca Meae) de la fille adorée : exil affectif, exil politique : Hugo part à la découverte solitaire du moi et de l'univers.
Enfin, la Légende des siècles, son chef-d'œuvre, synthétise rien moins que l'histoire du monde en une immense épopée parue en 1859 ; « L'homme montant des ténèbres à l'Idéal »[16], c'est-à-dire la lente et douloureuse ascension de humanité vers le Progrès et la Lumière.
En juin 1878, Hugo fut victime d'une congestion cérébrale qui mit pratiquement fin à son activité d'écriture. Toutefois de très nombreux recueils, réunissant en fait des poèmes datant de ses années d'inspiration exceptionnelle (1850-1870) continuaient de paraître régulièrement (La Pitié suprême en 1879, L'Âne, Les Quatre Vents de l'esprit en 1881, la dernière série de la Légende des siècles en 1883...), contribuant à la légende du vieil homme intarissable jusqu'à la mort.
Tantôt lyrique, tantôt épique ; combattant infatigable et père vaincu ; tour à tour classique et audacieux, Hugo est tout cela à la fois et davantage : celui qui a profondément ému ses contemporains (qui ne connaît le très célèbre « Demain, dès l'aube... » ?), exaspéré les puissants et inspiré les plus grands poètes de son temps et des temps à venir.